Un Français sur deux et une Française sur trois se verront diagnostiquer un cancer avant leurs 85 ans, selon la Ligue contre le cancer. Mais l’accès des patients aux traitements contre cette maladie est menacé, affirme l’association, mercredi 16 décembre. Si rien n’est fait pour contenir les prix « injustes » et « exorbitants » des médicaments anticancéreux, ils représenteront un marché de 144 milliards d’euros en 2020, « soit un doublement en six ans » du coût de ces traitements. Les Français atteints de cancer risquent-ils de ne plus pouvoir être soignés dans les années qui viennent ? Voici trois raisons qui expliquent pourquoi le prix des traitements contre le cancer pose problème.

Les prix des anticancéreux ne cessent d’augmenter

En France, les traitements contre le cancer sont pris en charge à 100% par l’Assurance maladie. La part des dépenses de la Sécurité sociale allouée à cette maladie est toutefois de plus en plus importante : alors qu’elle était de 8% en 2010 (11,5 milliards d’euros), selon le rapport annuel de l’Assurance maladie (PDF), elle a atteint 10% (15,21 milliards d’euros) en 2013, selon l’étude (PDF) publiée en juillet dernier.

En cause : les prix « exorbitants » des nouveaux anticancéreux, selon la Ligue contre le cancer. « La prochaine molécule qui devrait arriver en France pour le traitement du mélanome, commercialisée sous le nom de Keytruda, coûterait plus de 100 000 euros par an pour chaque patient traité », précise l’association. « A ce rythme, l’Assurance maladie risque de ne plus pouvoir faire face à la prise en charge de la cancérologie », estime Emmanuel Jammes, le délégué à la mission société et politique de santé de la Ligue contre le cancer, contacté par francetv info. « Elle pourrait être obligée de dérembourser certains médicaments parce qu’elle ne peut plus supporter de telles dépenses. »

Pour le syndicat pharmaceutique Les entreprises du médicament (Leem), cette augmentation des prix s’explique avant tout par « un temps de recherche et développement accru par les exigences concernant les études cliniques ». « Il faut en moyenne 12 ans pour développer une molécule, contre 10 ans il y a quelques années, mais ces précautions sont nécessaires », insiste Eric Baseilhac, médecin et directeur des affaires économiques au Leem, interrogé par francetv info. « Ces innovations thérapeutiques sont chères, mais elles vont transformer des maladies mortelles en maladies chroniques. »

Ces nouveaux traitements pourraient par ailleurs permettre à l’Assurance maladie de faire des économies, malgré leur coût important, selon le Leem. « Certains traitements permettent de guérir les patients atteints de maladies chroniques, ce qui correspond à long terme à des dépenses de santé moindres », note Eric Baseilhac. D’autres médicaments représenteraient en outre un « véritable gain d’efficience dans l’offre de soins ». « La chimiothérapie orale, administrée par cachet et non par intraveineuse, permet au patient d’être soigné à domicile », souligne-t-il aussi.

Le mécanisme pour fixer les prix n’est pas assez transparent

La Ligue contre le cancer affirme que le coût des médicaments pourrait être largement réduit. Et Emmanuel Jammes de citer « les disparités de prix entre les différents pays où ces traitements sont vendus ». Le Glivec, utilisé dans la prise en charge de la leucémie, coûte ainsi 95 000 dollars par an et par patient aux Etats-Unis, contre 40 000 dollars en France, selon l’association.

« Un exemple encore plus frappant est celui du Sofosbuvir, qui guérit de nombreux malades de l’hépatite C et permet donc d’éviter certains cancers du foie, ajoute Emmanuel Jammes, citant un rapport (PDF) de l’association. La cure coûte 67 000 euros aux Etats-Unis, 41 000 euros en France, 4 000 euros en Thaïlande et 700 euros en Egypte ». Le coût de revient du Sofosbuvir est pourtant estimé à 150 euros, selon le responsable de la Ligue contre le cancer.

Le prix des médicaments serait donc fixé « par rapport à ce que les malades sont prêts à payer, en fonction de leurs pays », et non par rapport au coût réel de fabrication, dénonce Emmanuel Jammes.

« En France, le prix des médicaments est fixé administrativement par un organisme interministériel [le CEPS, pour Comité économique des produits de santé], pas par les industriels, se défend Eric Baseilhac, du Leem. Le principal facteur déterminant est le bénéfice thérapeutique : plus le bénéfice est grand pour le patient, plus le prix est élevé, pour récompenser les meilleurs médicaments. »

« On n’imagine pas un fabricant d’airbag vendre son produit à 100 000 euros, en plus du prix de la voiture, parce que ça peut sauver la vie du conducteur !, s’insurge Emmanuel Jammes, de la Ligue contre le cancer. Il ne s’agit pas de produits de consommation classiques : les malades du cancer ne choisissent pas de prendre tel ou tel traitement, c’est une question de vie ou de mort. »

Eric Baseilhac reconnaît volontiers que le prix d’une molécule ne peut « crever le plafond » parce qu’elle a une forte valeur ajoutée pour le patient. « Il faut s’interroger sur la soutenabilité financière de ces traitements, confirme le médecin. C’est pour cette raison que le Leem veut prendre l’initiative d’un débat avec les professionnels de santé, les régulateurs mais aussi les patients sur les traitements anticancéreux. »

L’accès aux médicaments pourrait être compromis

Le coût des anticancéreux représente en outre une question éthique, puisqu’il peut avoir un impact sur l’accès des patients aux traitements, martèle la Ligue contre le cancer. « Si certaines molécules ne sont plus prises en charge en France, cela poussera certains patients à partir se soigner à l’étranger, s’inquiète Emmanuel Jammes. D’autres risquent de ne pas pouvoir prendre certains traitements ciblés parce qu’ils ne peuvent pas les payer de leur poche. »

L’association craint surtout que le modèle anglais ne soit reproduit en France. Il y a 30 ans, le Royaume-Uni a mis en place le système « Qaly », qui évalue la valeur d’une année de vie à 50 000 euros. « Un médicament dont le coût annuel serait supérieur à ce montant » n’est pas remboursé par la sécurité sociale britannique, précise le Comité éthique et cancer, dans un avis datant de 2011. « Si la qualité de vie [des mois ou années gagnées avec ce traitement] est diminuée, le montant de 50 000 euros est diminué d’autant. »

« Il n’est pas éthique de fixer la valeur d’une année de vie en fonction de critères objectifs, ce n’est pas une donnée quantifiable pour les malades !, martèle Emmanuel Jammes, de la Ligue contre le cancer. Comment peut-on décider de donner ou non un médicament à un patient à partir d’une grille arbitraire ? »

Pour éviter cette situation, l’association préconise la création d’un observatoire indépendant, qui pourrait « évaluer l‘équité d’accès aux traitements, le coût des médicaments ou encore les liens d’intérêts entre les laboratoires pharmaceutiques et les directeurs d’établissement ». Elle réclame en outre la représentation des patients au sein du CEPS, afin de mieux « réguler la marge » des industriels. « Les patients ne doivent pas avoir à se poser des questions de coût des traitements au moment où ils tombent malades, conclut Emannuel Jammes. L’accès au soin est un bien collectif que nous devons défendre : c’est un combat citoyen. »

Pourquoi le prix des traitements anticancéreux pose problème

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